Nouvelle convention fiscale avec Singapour : avec Hong Kong, l’autre porte vers l’Asie
Nouvelle convention fiscale avec Singapour : avec Hong Kong, l’autre porte vers l’Asie
Singapour, quatrième place financière mondiale et seconde d’Asie1, est maintenant considérée «en grande partie conforme» aux standards internationaux par le forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales. La cité-Etat s’est engagée à respecter la «norme commune d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers» de l’OCDE («Common Reporting Standard» ou «CRS») à compter de 2018.
Singapour dispose d’un réseau conventionnel développé avec les principaux pays d’Asie (dont la Chine, Hong-Kong, l’Inde, le Japon et Taïwan) et d’Europe (dont l’Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, etc.) à l’exclusion des Etats-Unis2.
C’est dans ce cadre que la France a signé une nouvelle convention fiscale le 15 janvier 2015 avec l’un de ses partenaires privilégiés avec lequel elle est en situation d’excédent commercial.
Eligibilité et Bénéfice de la Convention
Le terme de résident a été précisé et désigne «toute personne qui en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (…)». Les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt que pour les revenus de source «locale» ne sont pas exclues comme elles le sont dans les conventions récentes signées par la France dont Hong Kong.
La convention prévoit néanmoins que pour les revenus de source française «qui sont soumis à l’impôt à raison du montant qui a été transféré ou perçu à Singapour et non à raison de leur montant total, l’exonération ou la réduction d’impôt qui doit être accordée en France (…) ne s’applique qu’à la fraction desdits revenus qui a été transférée ou perçue à Singapour» (article 22). Une clause comparable figure également dans la convention avec Hong Kong (article 11 du Protocole de la convention fiscale).
Ainsi, l’avantage fiscal accordé par la France, pays de la source, est fonction du montant du revenu effectivement transféré à Singapour pour les revenus dont le rapatriement serait le fait générateur d’imposition en droit interne singapourien.
La nouvelle convention avec Singapour se distingue en ce que les conventions généralement signées par la France imposent une condition de soumission à l’impôt en excluant les cas d’exonération sans préciser le fait générateur de l’imposition dans le pays partenaire. C’est le cas par exemple de la convention signée avec Andorre et effective depuis le 1er janvier 2016 qui se réfère au caractère «imposable sans être exonéré» du revenu sans autres précisions3. Les négociateurs ont repris la solution déjà retenue dans l’ancienne convention en simplifiant sa rédaction ; ce qui est révélateur de leur intention.
L’impôt sur les sociétés singapourien (17%) est applicable uniquement aux revenus de source singapourienne (principe de territorialité) avec exonération des dividendes étrangers issus de bénéfice taxés à 15% ou plus et des plus-values de cession des valeurs mobilières et d’actifs immobilisés. L’exonération des dividendes étrangers et des plus-values est applicable y compris lorsque ces revenus et gains sont payés à Singapour.
Ainsi, il semble que les dividendes versés par des filiales françaises à un actionnaire, société résidente fiscale de Singapour (détenant plus de 10% par exemple) devraient pouvoir bénéficier du taux conventionnel réduit de 5% (ou 15% si détention de moins de 10%) de retenue à la source en France sans être imposés à Singapour, que les dividendes soient versés ou non à Singapour (en pratique on supposera qu’ils devraient l’être). Le refus des avantages conventionnels français, au motif que les dividendes n’ont pas été imposés effectivement à Singapour, paraîtrait contraire à l’interprétation littérale de la convention ainsi qu’aux objectifs poursuivis par ses auteurs.
Il en sera de même pour les plus-values de cession de valeurs mobilières émises par des sociétés françaises par une société de Singapour. Les intérêts de source française seront exonérés en application du droit interne (même en l’absence de paiement à Singapour) et les redevances devraient être également exonérées en France avec une imposition à 17% à Singapour sous réserve ici de leur transfert dans la cité-Etat. Les redevances payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire ou artistique et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine commercial restent en revanches imposables dans l’Etat de la source sans amélioration conventionnelle à savoir 10% à Singapour et 33,1/3 en France (avec ou sans paiement à Singapour dans ce dernier cas).
Pour les revenus passifs de source singapourienne, la retenue à la source est 0% sur les dividendes, 15% sur les intérêts (réduite à 10% dans la convention) et 10% sur les redevances (réduite à 0% dans la convention sauf exception ci-avant). Les dividendes perçus par des sociétés françaises bénéficiant du régime mère-fille seront donc exonérés d’impôt singapourien et français sur le dividende (sous réserve de la quote-part de frais et charges).
La convention apparaît attractive au regard du régime fiscal offert par Singapour et de son réseau conventionnel. Dans le sillage des travaux de l’OCDE BEPS / Action 6 et des recommandations de la Commission Européen contre l’utilisation abusive des conventions, il est prévu (comme dans bon nombre de conventions signées par la France) que le bénéfice des avantages conventionnels sera refusé aux transactions ayant pour objet principal d’obtenir le bénéfice de ces avantages, contrairement à l’objet et au but des dispositions conventionnelles. Cette clause est difficile à déchiffrer. La jurisprudence rendue à propos de l’article 119 ter du CGI (qui reprend des termes comparables) apporte un éclairage limité. On retiendra surtout l’impérieuse nécessité de pouvoir justifier et de l’utilité économique de la structure utilisée et de sa localisation, le cas échéant à Singapour quel que soit par ailleurs l’étendue de l’avantage fiscal offert par la convention.
Etablissement : 1 an pour être stable
Pour caractériser un établissement stable, un chantier devra s’étendre sur 12 moins au moins (contre 6 moins dans l’ancienne convention). Les activités de surveillance suivent les mêmes règles. Les prestations de services nécessitant une présence dans le pays du client pourraient donner lieu également à un ES si leur exécution s’étend sur plus de 365 jours sur une période 15 mois.
Elimination des doubles impositions
Du côté français, les crédits d’impôts forfaitaires qui concernaient les dividendes, intérêts et redevances sont supprimés. Le système classique d’imputation est retenu. Dans la majorité des situations, le crédit d’impôt accordé par la France correspondra à l’impôt effectivement payé à Singapour ; ce qui reviendra à payer l’impôt français de droit commun.
Echange de renseignements et absence d’assistance au recouvrement
Depuis 2011, la France aurait fait à Singapour 47 demandes et reçu des réponses satisfaisantes. A partir de 2018, l’échange sera automatique. Ainsi, l’article 26 de la nouvelle convention introduit des dernières dispositions types OCDE permettant les demandes groupées et l’utilisation à d’autres fins que fiscales des informations demandées si cette dernière possibilité est prévue dans les différentes lois internes (comme en France) et si l’Etat requis l’autorise. Enfin, pour les résidents fiscaux de France transférant leur domicile à Singapour pour des raisons professionnelles et assujettis à l’exit tax, on regrettera l’absence d’assistance au recouvrement car cette omission les obligera à fournir des garanties financières (le plus souvent coûteuses).
Conclusion
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