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Sarah Progin-Theuerkauf: «Les Européens qui sont déjà en Suisse n’ont rien à craindre»

Sarah Progin-Theuerkauf: «Les Européens qui sont déjà en Suisse n’ont rien à craindre»

Si les Suisses décident de mettre fin à la libre circulation des personnes avec l’EU le 27 septembre, les Européens pourront continuer à venir travailler et vivre en Suisse. Les démarches pourraient se révéler plus complexes, avertit toutefois la professeure de droit à l’Université de Fribourg Sarah Progin-Theuerkauf.

Près d’1,4 million d’Européens résident en Suisse et quelque 470’000 Suisses sont établis dans un pays de l’Union européenne (UE). Ils bénéficient de l’accord sur la libre circulation des personnesLien externe (ALCP) qui leur offre un libre accès à leur marché du travail respectif.

Le 27 septembre, le peuple est appelé à se prononcer sur l’initiative populaire «pour une immigration modérée» de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) qui veut résilier l’ALCP. L’acceptation du texte complexifierait la mobilité européenne, mais ne l’empêcherait pas pour autant, estime Sarah Progin-TheuerkaufLien externe, professeure de droit à l’Université de Fribourg.

swissinfo.ch: Que se passera-t-il en cas de résiliation de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE?

Sarah Progin-Theuerkauf: Comme les sept accords bilatéraux I sont reliés par une clause guillotine, la résiliation de l’ALCP fera tomber automatiquement les six autres traités. En principe, il n’y aura pas de conséquence sur le deuxième paquet des bilatérales. Toutefois, l’impact politique sera important. L’UE aura peu d’intérêt à nous laisser des accords qui s’inscrivent dans un contexte d’échange et d’ouverture réciproque. Les autres accords sont aussi en danger. Il n’y a pas de garantie concernant la pérennité de la voie bilatérale.

Les nombreux Européens qui bénéficient de la libre circulation ont-ils de quoi s’inquiéter?

Les ressortissants européens qui sont déjà en Suisse n’ont rien à craindre. Ils bénéficient de ce qu’on appelle les droits acquis, c’est-à-dire qu’on ne va pas leur retirer un droit qu’ils ont déjà exercé. En revanche, ceux qui souhaiteront migrer en Suisse après la fin de l’accord auront plus de difficultés. Évidemment, il sera toujours possible de le faire, mais cela ne sera plus considéré comme un droit.

Quelle sera la procédure pour les Européens qui souhaitent migrer en Suisse si l’ALCP devenait caduc?

Nous reviendrons à la situation qui prévalait avant la conclusion de l’accord. Cela signifie qu’ils devront soumettre une demande, fournir tous les papiers nécessaires. S’il y a des contingents, ceux-ci devront aussi être respectés. Il n’y aura plus d’automatisme.

La Suisse aura une grande marge de manœuvre pour refuser des permis de séjour.

Un tel scénario aura-t-il également un impact sur le droit au regroupement familial?

Les ressortissants européens pourront continuer à exercer ce droit. La situation sera toutefois moins claire pour ceux qui sont déjà établis en Suisse, mais qui ne sont pas encore mariés. Faire venir leur futur conjoint de l’étranger pourra se révéler plus complexe.

On ne peut pas complètement interdire le regroupement familial, car il s’agit d’un droit fondamental garanti par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. Sans accord, il ne sera toutefois plus un automatisme. Il faudra le demander et se battre pour celui-ci.

L’État aura aussi la possibilité d’ériger davantage de barrières. Il pourra par exemple exiger une durée de séjour minimale aux migrants qui souhaitent bénéficier de ce droit, ce qui signifierait une longue séparation avec la famille.

À l’inverse, à quels problèmes les Suisses qui souhaitent s’expatrier dans l’UE pourront-ils être confrontés?

Sans accord, les États pourront aussi refuser aux Suisses de migrer. Ils pourraient aussi refuser des permis de séjour aux étudiants qui souhaitent participer au programme européen de mobilité étudiante Erasmus.

Avec son initiative, l’UDC veut limiter l’immigration pour éviter ce qu’elle décrit comme «l’apocalypse au ralenti», soit une Suisse à 10 millions d’habitants. L’abolition de la libre circulation des personnes permettra-t-elle d’atteindre cet objectif?

J’ai l’impression que l’effet sur le nombre effectif de migrants sera moindre. Ceux qui sont déjà là pourront rester. Pour les requérants d’asile ou les ressortissants d’États tiers, rien de changera. La procédure sera uniquement plus compliquée pour les Européens qui migreront après la résiliation de l’ALCP. La réduction des arrivées sera ainsi minime.

Peut-on comparer les conséquences d’un oui à l’initiative de limitation à celles du Brexit?

Les conséquences seraient en effet similaires. Ce serait un Swixit. Une résiliation de l’ALCP préserverait toutefois les droits acquis. Ceux qui ont déjà exercé leur droit à la libre circulation des personnes pourraient ainsi le conserver. Dans le cas du Brexit, la Grande-Bretagne n’a même pas cette certitude.

«Les entreprises pourront toujours recruter à l’étranger»

La libre circulation des personnes a modifié les trajectoires migratoires, remarque le démographe Jonathan Zufferey. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord en 2002, le chercheur constate une augmentation du nombre de migrants qui s’installent en Suisse de manière durable. «Plus de liberté de mouvement mène à davantage de stabilité. Paradoxalement, nous sommes dans un monde toujours plus globalisé, dans lequel les déplacements sont toujours plus faciles, mais de plus en plus de gens choisissent la stabilité», explique-t-il.

Avant 2002, de nombreux migrants étaient contraints à la mobilité internationale. «Il s’agissait essentiellement de travailleurs saisonniers, qui n’avaient pas la possibilité de venir s’installer avec leur famille. Ce type de mobilité a été abandonné», précise Jonathan Zufferey.

Le chercheur estime néanmoins qu’un abandon de la libre circulation n’aura qu’un impact marginal sur le nombre de migrants. «En Suisse, les fluctuations migratoires sont largement dépendantes de l’économie. Même sans accord, les entreprises pourront toujours recruter les travailleurs étrangers dont elles ont besoin», estime-t-il.

Sarah Progin-Theuerkauf: «Les Européens qui sont déjà en Suisse n’ont rien à craindre»

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