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Note Note sur la situation économique mondialesur la situation économique mondiale

Note sur la situation économique mondiale

Début décembre 2021, à en croire les principaux médias, les chiffres de la croissance économique française étaient plutôt bons. Ainsi Pauline Forgue a expliqué dans son émission très suivie de France Télévisions : « Après une chute vertigineuse en 2020 qui correspond à l’arrivée du Covid-19 sur notre territoire, la remontée a été tout autant spectaculaire. Le PIB français devrait augmenter au cours de l’année 2022 avec une progression prévue de 6,8 %. L’économie française s’est rapidement remise à fonctionner grâce aux différentes mesures de l’État ».

Ces chiffres viennent d’être mis à jour par l’Insee dans sa dernière note trimestrielle. Année électorale oblige, la rédaction de la note est d’une extrême prudence. Ainsi les conséquences de la hausse des prix du gaz et des produits pétroliers pour le pouvoir d’achat des ménages ne figurent pas dans la synthèse de la note et ont dû être explicités dans les commentaires, « le pouvoir d’achat en hausse de 1,8 % sur 2021 connaîtra une baisse de 0,5 % en 2022. » [1]

C’est au plan mondial qu’il faut se placer pour exposer les grandes tendances. Même dans les journaux économiques spécialisés on a peu parlé en France de la seconde des réunions pour 2021 que le FMI et la Banque mondiale tiennent tous les six mois à Washington qui a eu lieu à la mi-octobre. Alors que les prix de l’énergie et des grandes matières premières ne s’étaient pas encore envolés et que le mot stagflation n’avait pas fait sa réapparition, le ton était déjà sombre. La présentation du Rapport sur la stabilité financière mondiale (Global Financial Stability Report) d’octobre 2021 sur le blog d’un membre du Secrétariat du FMI parle d’une économie mondiale « entravée » (le mot anglais hobbled est plus imagée, les hobbles étant des cailloux dans les chaussures ou sous les pieds). Les préoccupations de l’organisation sont exposées sans détours dans le sommaire exécutif du rapport lui-même :

« Malgré certaines améliorations depuis le Rapport sur la stabilité financière mondiale d’avril 2021, les vulnérabilités financières continuent à être élevées dans un certain nombre de secteurs, masquées en partie par des mesures de relance massives. Les décideurs sont confrontés à un défi de taille : maintenir leur soutien à court terme à l’économie mondiale tout en prévenant les conséquences imprévues et les risques pour la stabilité financière à moyen terme. Une période prolongée de conditions financières extrêmement faciles, bien que nécessaire pour soutenir la reprise économique, peut entraîner des évaluations d’actifs trop tendues et pourrait alimenter des vulnérabilités financières (souligné par moi). Certains signes avant-coureurs – par exemple, l’augmentation de la prise de risques financiers et la fragilité croissante dans le secteur des institutions financières non bancaires – indiquent une détérioration des fondements sous-jacents de la stabilité financière. Si rien n’est fait, ces vulnérabilités pourraient devenir des problèmes structurels hérités, mettant en péril la croissance à moyen terme et mettant à l’épreuve la résilience du système financier mondial. »

Le rebond du taux de croissance du PIB mondial entre 2020 et 2021 sera sans doute stoppé en 2022, notamment en raison de la performance des économies capitalistes avancées (en vert). À la veille des réunions de Washington, l’estimation faite pour 2021 a été abaissée de 6 % à 5,9 %. « La révision à la baisse pour 2021 reflète une dégradation de la note pour les économies avancées – en partie en raison de perturbations de l’offre – et pour les pays en développement à faible revenu, en grande partie en raison de l’aggravation de la dynamique pandémique ». Ce qui a été analysé pour la France à savoir que « loin de la formidable reprise vantée partout, on voit une fois passés les effets assez mécaniques de la reprise, une forme de stagnation » [3] vaut pour tous les pays capitalistes avancés.

Les estimations du mois d’octobre ont déjà été baissées. Dans son rapport de décembre l’OCDE sur les perspectives de l’économie mondiale prévoit que la croissance mondiale devrait progresser au « rythme soutenu » de 4,5 % en 2022, avant de ralentir pour « s’établir à 3,2 % en 2023. » [4] Soit un rythme qui n’entamera pas les inégalités de revenus et de richesse entre pays, et surtout en leur sein, dont la nouvelle étude du World Inequality Report 2022 a une fois de plus montré l’ampleur. Parallèlement, la croissance mondiale est menacée par l’inflation et marquée plus que jamais par de très importants écarts entre pays.

La robustesse des projections est conditionnée par trois facteurs, l’évolution de la pandémie de la Covid19, celle de la hausse des prix et celle de la croissance de la Chine. Commençons par la pandémie. Les institutions de Washington et l’OCDE craignent depuis des mois une troisième vague qui affecterait la production et les échanges mondiaux, fût-ce moins fortement que les précédentes. Avant même l’apparition du variant Omicron, elles se sont jointes à l’OMS pour avertir sur les dangers de l’écart énorme en matière de vaccination entre les pays de l’OCDE et un très grand nombre de ceux du reste du monde. En dépit de leurs craintes les trois organisations se sont bien gardées de se prononcer en faveur de la levée des brevets à laquelle les gouvernements des pays-sources des grands groupes pharmaceutiques notamment européens (Allemagne, Suisse, France) s’opposent radicalement, l’OMS se bornant à appeler les pays avancés à établir un moratoire sur les doses de rappel chez eux jusqu’à la fin de 2021, à l’exception des personnes immunodéprimées, afin d’aider à améliorer l’approvisionnement des pays à faible revenu.

Début 2021 l’Inde et l’Afrique du Sud ont présenté à l’OMC une proposition visant à renoncer temporairement aux droits de propriété intellectuelle pour permettre une production massive de vaccins, de matériel de tests et de médicaments. Elle n’a pas abouti, l’OMC lui substituant la formation d’un groupe de travail chargé simplement de veiller à la livraison de doses. Ses discussions ont été laborieuses. Un communiqué publié mi-septembre

« prend note du fait que les pays ayant des taux de vaccination élevés ont collectivement pré-acheté plus de deux milliards de doses au-delà de ce qui est nécessaire pour vacciner complètement leur population. Le Groupe de travail appelle à nouveau ces pays à remplir leurs promesses de dons de doses avec des livraisons initiales non marquées à COVAX, et libérer les entreprises de vaccins des options et des contrats afin que ces doses puissent être livrées aux personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure. En outre, les fabricants de vaccins devraient prioriser et remplir leurs contrats avec COVAX et AVAT. Pour s’assurer que les doses parviennent aux pays qui en ont le plus besoin, en particulier les pays à revenu faible ou intermédiaire de la classe inférieure, le Groupe de travail appelle les fabricants de vaccins à partager des détails sur les calendriers de livraison mensuels pour toutes les expéditions de vaccins, en particulier pour COVAX et AVAT. Le Groupe de travail appelle tous les pays à s’attaquer de toute urgence aux restrictions à l’exportation, aux droits de douane élevés et aux goulets d’étranglement douaniers sur les vaccins contre la COVID-19 et les fournitures nécessaires à la production et à la distribution des vaccins en temps utile ».

Les conséquences de cet écart mondial dans l’accès aux vaccins sont connues. C’est en Inde d’abord et maintenant en Afrique du Sud que sont apparues les nouvelles formes mutantes du Covid-19.

Le recul du PIB mondial de 2020 aurait été plus profond et le rebond de 2021 moins important si les banques centrales des pays du G7 n’avaient pas mené activement, à l’instar de la Fed, une politique monétaire qui a permis aux gouvernements de financer une panoplie de mesures de soutien à leurs économies. Elle comporte l’achat direct de titres de la dette publique, la création de liquidités à des taux d’intérêt très bas à l’intention des banques et le soutien aux entreprises non financières par des mécanismes d’achat d’actifs pouvant aller comme au Japon par l’achat d’actions.

Ici, j’ouvre une parenthèse concernant la France. L’OCDE vient de publier une étude sur la politique économique et sociale de la France. [6] Elle évite les sujets les plus sensibles – le nucléaire, les ventes d’armes – mais elle met le doigt sur plusieurs points qui reflètent la crainte de la mobilisation des salarié·e·s de la part du gouvernement Macron. L’étude note d’abord l’importance et le succès des mesures de soutien public destinées à limiter le choc économique et social de la pandémie. « Depuis 2020, le dispositif d’activité partielle a préservé l’emploi et les revenus des ménages. Le fonds de solidarité, les reports de paiement d’impôts et les prêts garantis par l’État ont soutenu la liquidité et les marges des entreprises, réduisant les faillites. Les aides budgétaires directes à l’activité économique ont atteint 3,1 % du PIB en 2020 et 4,1 % en 2021. » Elle constate ensuite le report de mesures annoncées sur les questions où de fortes mobilisations étaient prévisibles. L’OCDE rappelle donc au gouvernement que « de nouvelles réformes du système de retraite s’imposent. L’âge effectif de sortie du marché du travail est le second plus bas de l’OCDE, ce qui nuit à la croissance potentielle. Dans le même temps, l’espérance de vie à 65 ans est la seconde plus élevée de l’OCDE. » Autre rappel à l’ordre : « une stratégie de stabilisation et de réduction progressive de la dette publique est nécessaire pour la ramener sur une trajectoire soutenable, étant donné l’augmentation attendue des dépenses liées au vieillissement. Le niveau des dépenses publiques est élevé et certaines dépenses manquent d’efficacité. Les résultats scolaires reflètent en grande partie le milieu familial des élèves, et les importantes aides à la recherche-développement (R-D) ne se traduisent pas totalement (sic) dans l’innovation des entreprises ».

Reprenons notre analyse. L’émission massive de bons du Trésor et leur achat par les banques centrales ont contribué à une nouvelle augmentation des actifs financiers constitutifs de capital fictif, accompagnée d’une très forte poussée des prix de l’immobilier. Les actifs financiers sont du capital fictif. Le terme désigne la nature économique des titres résultant des prêts à des gouvernements ou à des entreprises ou du financement (le plus souvent initial) du capital des entreprises. Les titres – obligations et actions – ouvrent des droits (plus exactement des prétentions puisque les droits peuvent disparaître en cas krach) à participer au partage du profit des firmes ou à puiser par le biais du service de la dette publique, dans les revenus résultant des impôts. En ce sens, les titres sont bien réels mais vus sous l’angle du mouvement du capital productif de valeur et de plus-value, ils ne sont pas du capital. Dans le meilleur des cas, ils sont le « souvenir » d’un investissement déjà fait. Leurs détenteurs voient en eux un « capital » dont ils attendent un rendement régulier sous forme d’intérêts et de dividendes (une « capitalisation ») par les ponctions sur la valeur qu’ils autorisent, comme par les profits fictifs résultant d’opérations spéculatives réussies sur les marchés financiers.

Depuis 1994, la société McKinsey Global Institute a calculé l’écart entre le taux de croissance des actifs financiers et celui du PIB mondial et en a suivi l’évolution dans des études successives publiées en 2009, 2011 et 2013. Les actifs financiers n’incluaient pas l’immobilier. Dans sa dernière étude, la société a voulu améliorer ses estimations moyennant une approche fondée sur la construction d’un bilan mondial « analogue à la façon dont une société construit son bilan ». Les auteurs rapportent que de 2000 à 2020, les actifs financiers tels que les actions, les obligations et les produits dérivés sont passés de 8,5 à 12 fois le PIB mondial. Plus important encore, l’immobilier représente les deux tiers de l’actif réel mondial ou de la valeur nette. La valeur de l’immobilier résidentiel, y compris les terrains, s’élevait à 46 % de la valeur nette mondiale en 2020, les bâtiments et terrains possédés par des sociétés et des entités publiques (État, municipalités) représentant 23 % supplémentaires. « Les autres actifs fixes tels que les infrastructures publiques, les machines et équipements, les actifs incorporels et les réserves minérales – les types d’actifs qui stimulent généralement la croissance économique – ne représentaient qu’un cinquième des actifs réels ou de la valeur nette, allant de 15 % au Royaume-Uni et en France à 39 % au Japon ».

De son côté, le géant allemand du secteur de l’assurance, Allianz, a dressé en septembre le constat suivant : « 2020 a été l’année des contrastes extrêmes. Le nouveau virus Covid-19 a détruit des millions de vies et de moyens de subsistance, plongeant l’économie mondiale dans sa plus profonde récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans le même temps, la politique monétaire et budgétaire a mobilisé des sommes inimaginables pour soutenir l’économie, les marchés et les gens, avec succès. Les revenus se sont stabilisés et les marchés boursiers se sont redressés rapidement. Les actifs financiers mondiaux ont augmenté de 9,7 % en 2020, atteignant pour la première fois la barre magique des 200 trillions d’euros. L’écart entre la richesse et la croissance économique a rarement été aussi prononcé qu’en 2020 : les actifs financiers mondiaux ont augmenté de 11,6 % de plus que la production économique. En conséquence, les actifs financiers mondiaux ont franchi une autre étape importante en 2020 : pour la première fois, ils ont dépassé 300 % du PIB mondial » (souligné par moi).

En raison du rendement très bas des titres de la dette publique et des obligations d’entreprise, le capital fictif s’est porté massivement sur les actions provoquant une envolée des cours en bourse et une hausse de la valeur des actifs en contradiction totale avec l’état de la production et des échanges. La mesure du rapport du niveau des cours avec la réalité économique est fournie par ’l’indice de Shiller’ (du nom du professeur de Yale Robert Shiller qui l’a proposé) qui calcule le rapport prix des actions/bénéfice des sociétés cotés. Le principe du CAPE (Cyclically Adjusted Price to Earnings) est le suivant : pour estimer si les actions des sociétés cotées sont ’trop chères’ ou non, il faut comparer leur cours avec leurs bénéfices : c’est le price earning ratio ou PER. Mais pour pouvoir comparer des PER dans le temps, il faut éliminer l’inflation et lisser les effets liés au cycle économique (les bénéfices sont meilleurs quand la conjoncture est tournée vers l’expansion, moins bons quand elle est déprimée). L’indice de Shiller rapporte ainsi les cours des 500 principales valeurs de Wall Street (le S&P 500) aux bénéfices moyens sur des périodes de 10 ans.

L’indice a atteint son niveau actuel seulement deux fois, à la veille du krach de 1929 et à celle du krach des actions dot.com sur le Nasdaq en 2000. Or, en 1929 et dans une moindre masure en 2000, les krachs ont mis fin à de véritables phases d’expansion du capital, alors qu’aujourd’hui on est en phase de quasi-stagnation.

L’indice est calculé pour l’ensemble du marché, le montant total des actions négociées. Son niveau actuel repose sur deux facteurs. Le premier est le niveau de capitalisation boursière des dix premières sociétés cotées, (la capitalisation boursière étant le nombre d’actions d’une entreprise en circulation multiplié par le prix d’une seule action). La répartition sectorielle de 2019 est marquée par l’écrasante domination des plateformes assises sur l’intelligence artificielle, l’Internet et la vente de publicité (les GAFAM). La situation est presque identique aujourd’hui, la seule nouvelle entrée dans les Top Ten à Wall Street étant Tesla.

Il est intéressant de s’attarder un instant sur l’entrée de Tesla dans le Top Ten. La figure 9 fournit une parfaite illustration d’un pari collectif des investisseurs financiers ainsi que du type d’opération qui peut permettre d’engranger des profits et soutenir les cours. Le PDG et principal actionnaire de Tesla est Elon Musk, propriétaire par ailleurs de la société SpaceX connue mondialement pour son projet de vendre des voyages spatiaux privés. Pionnière de la voiture à moteur électrique et conceptrice de la voiture autonome, Tesla a été fondée en 2003, mais ne s’est rendue éligible à l’inclusion dans le S&P 500 et à la cotation au marché des actions à Wall Street qu’en juin 2020 après quatre trimestres affilés de profit. Elle est devenue la plus grande société jamais introduite à Wall Street et d’emblée la sixième plus grande société en termes de capitalisation boursière. Dès juin 2020, la capitalisation boursière de Tesla a dépassé celles de BMW, Daimler et Volkswagen réunis. Alors que la production et vente du premier de ses quatre modèles de voiture électrique [7] est environ dix fois inférieure de celle de Toyota le plus important producteur mondial, Tesla est présente dans les dix premières capitalisations au NYSE et Toyota ne l’est pas. Tesla s’est même permis de lever quelque 12 milliards d’actions en vente d’actions pour financer des opérations de fusion-acquisition alors que de nombreuses sociétés sont obligées d’acheter leurs propres titres pour en soutenir le cours.

Tesla tire des revenus importants de la vente de crédits à d’autres fabricants. Pas mal de gouvernements accordent les crédits aux constructeurs de véhicules électriques à batterie en fonction du volume de leurs ventes. Ces crédits qui peuvent à leur tour être vendus à d’autres fabricants sur le modèle des marchés de carbone et de vente de droits à polluer. En 2020, Tesla a gagné 1,6 milliard de dollars de ces ventes, sans lesquelles elle aurait eu une perte nette en 2020. En février 2021, un document de contrôle boursier a révélé que Tesla avait investi quelque 1,5 milliard de dollars dans la crypto-monnaie Bitcoin, et la société a indiqué qu’elle accepterait bientôt Bitcoin comme moyen de paiement. Tesla a tiré plus de bénéfices en 2021 de ce placement que de profits de la vente de voitures en 2020 du fait de la hausse du prix du Bitcoin après l’annonce de cet investissement.

Le mouvement de l’indice Shiller est conforté par la conviction des investisseurs que la Fed viendra au secours des marchés en cas de menace. Le FMI s’en inquiète sérieusement. Dans l’introduction au rapport d’octobre sur la stabilité financière mondiale on trouve un avertissement, que la chute des cours du 26 novembre 2021 est venue rappeler, quant au fait que :

« les vulnérabilités des fonds d’investissement qui se sont manifestées lors de la ‘course à la liquidité’ (dash for cash) de mars 2020 demeurent et les risques augmentent dans d’autres institutions financières non bancaires à mesure qu’elles atteignent les objectifs de rendement nominal. Certains signes avant-coureurs – par exemple, l’augmentation de la prise de risques financiers et la fragilité croissante dans le secteur des institutions financières non bancaires – indiquent une détérioration des fondements sous-jacents de la stabilité financière. Ainsi cherchant à améliorer leur retour sur investissement, les compagnies d’assurance-vie américaines et européennes ont augmenté leur part d’obligations de qualité inférieure. Dans le contexte actuel de taux d’intérêt toujours bas et de liquidité abondante, un recours accru à l’effet de levier financier pour stimuler les rendements pourrait entraîner une volatilité sur les marchés financiers. Si rien n’est fait, ces vulnérabilités pourraient devenir des problèmes structurels hérités, mettant en péril la croissance à moyen terme et mettant à l’épreuve la résilience du système financier mondial. »

Maintenant nous allons passer de la sphère financière à celle de la production et examiner une série de facteurs qui se trouve derrière la hausse du coût de la vie et font que le mot d’ordre contre la vie chère a retrouvé toute son actualité. Ces facteurs affectent négativement le taux de profit et donnent un caractère concret à son mouvement de baisse qu’on examinera plus loin. Le premier facteur est la hausse des prix de l’énergie et des matières premières à laquelle est largement due la stagflation. Commençons par le prix du gaz. Aujourd’hui la nouvelle hausse du prix du pétrole est largement la conséquence de celle du prix des autres sources d’énergie, celui du charbon en Chine et en Inde, celui du gaz en Europe.

En France, le 1er octobre 2021 a vu la plus forte augmentation du prix du gaz des 15 dernières années avec une hausse de 12,6 %. Depuis début 2021, le prix du gaz a augmenté de 57 %. Les autres pays européens ont connu des hausses analogues.

Le prix du gaz sur le marché de gros atteint des records parce l’offre ne satisfait plus la demande, le tout étant aggravé par une spéculation permise par la financiarisation née de la déréglementation imposée par les traités européens. À partir des années 1990, on est passé d’une industrie régie par des stratégies publiques et une industrie où le gaz est une marchandise régie par le marché au comptant (dit spot) [9]. Du côté de la demande, la reprise économique en Asie du fait de la fin de la pandémie a déclenché à partir du premier trimestre 2021 une hausse mécanique de la demande. Les principaux producteurs mondiaux de gaz liquéfié transporté en navire (Pays du Golfe et États-Unis) ont alimenté cette reprise profitant de prix plus élevés qu’en Europe. Avec un temps de retard, la hausse de la demande de gaz y a aussi été due à la reprise économique, mais également à la nécessité de reconstituer les réserves de gaz européens. En effet, l’hiver dernier en Europe a été long et différents pays ont dû reconstituer leurs réserves de gaz pour l’hiver 2021 – 2022. Le premier producteur national européen de gaz naturel, les Pays-Bas, a commencé progressivement à fermer son principal champ gazier de Groningue en 2018. La Norvège devenue principal fournisseur de gaz pour l’Europe, a connu un important incendie dans sa principale usine de liquéfaction du gaz en septembre 2020. Depuis, elle peine à augmenter ses livraisons de gaz pour l’Europe. Puis il y a la politique d’exportation de gaz de la Russie d’où vient une large partie du gaz qui arrive en Europe. Principal producteur mondial, la Russie est en position d’ouvrir ou de fermer les vannes. Elle a limité ses exportations de gaz via l’Ukraine pour obtenir la fin de la construction du gazoduc Nord Stream 2 à laquelle les États-Unis se sont opposés fortement.

Mais derrière cet ensemble de facteurs, il y a un mouvement de fond de longue période. Une
étude de McKinsey de 2013 sur les matières premières, dont est tirée la figure 11, relève que leur mouvement a changé brusquement et de façon radicale depuis le début des années 2000. Au cours du 20e siècle, leur prix en termes réels a baissé d’un peu plus d’un demi pour cent par an en moyenne. Mais à partir de 2000, les prix ont plus que doublé en moyenne. Ensuite, la volatilité des prix a également considérablement augmenté depuis le début du siècle. En effet, l’offre de matières premières « semble être progressivement moins en mesure de s’adapter rapidement aux changements de la demande parce que les nouvelles réserves sont plus difficiles et coûteuses d’accès. Par exemple, le pétrole offshore nécessite des techniques de production plus sophistiquées. Les terres arables disponibles ne sont pas reliées aux marchés finaux par manque d’infrastructures. Les ressources minérales doivent de plus en plus être développées dans des régions à haut risque politique. Ces facteurs augmentent non seulement le risque de perturbations de l’approvisionnement, mais rendent également l’offre encore plus inélastique. À mesure que l’offre devient de plus en plus insensible à la demande, même de petits changements dans cette demande peuvent entraîner des changements importants dans les prix. Les investisseurs peuvent être dissuadés par la volatilité des prix des ressources et devenir moins enclins à investir dans de nouvelles initiatives de productivité de l’offre ou des ressources. »

En troisième lieu, les prix des différents types de matières premières sont de plus en plus étroitement corrélés. Premièrement, les ressources représentent une proportion importante des coûts des intrants d’autres ressources. Par exemple, l’augmentation des coûts de l’énergie dans les engrais entraîne des coûts de production plus élevés dans l’agriculture. Deuxièmement, les progrès technologiques permettent un plus grand degré de substitution entre les ressources dans la demande finale, par exemple, les biocarburants relient l’agriculture et les marchés de l’énergie. Il y a là une grave menace pour la production agricole, l’offre des denrées alimentaires subissant un processus de réduction en faveur de leur usage comme carburant dont les effets se conjuguent avec ceux du changement climatique.

La FAO a publié une figure montrant la hausse de cinq grands groupes de produits au cours des deux dernières années (figure 11). Mais il ne s’agit pas d’un phénomène récent. En effet, le prix moyen réel des denrées alimentaires est en hausse depuis 2000, inversant la tendance à la baisse amorcée dans les années 1960.

Aucun produit n’est à lui seul responsable de cette hausse. S’agissant des deux dernières, l’indice des prix des cultures d’huile comestible a augmenté de manière significative, principalement sous l’impulsion des prix de l’huile végétale qui ont grimpé en flèche de 16,9 % entre 2019 et 2020, cette hausse étant due à des conditions météorologiques défavorables mais aussi à l’augmentation de la demande de biodiesel. On a donc affaire à la concurrence entre deux finalités arbitrée par les grands groupes agro-industriels. L’autre catégorie d’aliments ayant le plus d’effet sur la hausse des prix des aliments est le sucre, les dégâts causés par le gel au Brésil en juillet en raison du dérèglement climatique, ont réduit l’offre et gonflé les prix. Le blé, l’orge, le maïs, le sorgho et le riz assurent au moins 50 % de l’alimentation mondiale, et jusqu’à 80 % dans les pays les plus pauvres. Les stocks mondiaux de ces cultures qui ont contribué à stabiliser les marchés mondiaux diminuent depuis 2017, car l’offre ne satisfait plus la demande. L’augmentation des prix s’est accélérée fortement depuis 2019, une chose « méritant l’attention est le nombre de fois depuis 2000 où des conditions météorologiques ‘imprévisibles’ et ‘défavorables’ ont été signalées par la FAO comme une cause de ‘réduction des attentes en matière de récoltes’, de ‘récoltes affectées par les conditions météorologiques’ et de ‘déclin de la production’ ».

À court et moyen terme, selon l’étude de McKinsey sur les grandes matières premières, l’économie mondiale ne serait pas confrontée à des situations de pénurie absolue. En revanche « la hausse des coûts marginaux de l’offre semble être omniprésente et mettre un plancher sous les prix de nombreux produits de base. » La nécessite de chercher des gisements toujours plus couteux situées dans des régions à haut risque politique pèse sur les perspectives de profit. Le FMI vient de détailler les besoins en matières premières des produits-clefs de la « transition écologique » dont un certain nombre de métaux rares :

« Une batterie de véhicule électrique typique, par exemple, a besoin d’environ 8 kilos de lithium, 35 kilos de nickel, 20 kilos de manganèse et 14 kilos de cobalt, tandis que les stations de recharge nécessitent des quantités substantielles de cuivre. Pour l’énergie verte, les panneaux solaires utilisent de grandes quantités de cuivre, de silicium, d’argent et de zinc, tandis que les éoliennes ont besoin de minerai de fer, de cuivre et d’aluminium. Le remplacement des combustibles fossiles par des technologies à faible émission de carbone nécessiterait une multiplication par huit des investissements dans les énergies renouvelables et entraînerait une forte augmentation de la demande de métaux. » Et plus loin, « l’augmentation de la capacité minière est un processus qui prend beaucoup de temps, souvent une décennie ou plus. Compte tenu de l’augmentation prévue de la consommation de métaux jusqu’en 2050 dans le cadre d’un scénario de zéro émission nette, les taux de production actuels de graphite, de cobalt, de vanadium et de nickel semblent insuffisants, montrant un écart de plus des deux tiers par rapport à la demande. Les approvisionnements actuels en cuivre, lithium et platine sont également insuffisants pour satisfaire les besoins futurs, avec un écart de 30 % à 40 % par rapport à la demande. De tels besoins pourraient faire augmenter les prix des métaux pendant de nombreuses années. » D’autre part, « un facteur de complication est que certaines fournitures importantes sont généralement très concentrées. Cela implique que quelques producteurs bénéficieront de manière disproportionnée de la demande croissante. Cela met à nu les risques de transition énergétique liés aux goulets d’étranglement de l’offre si les investissements dans les capacités de production ne répondent pas à la demande, ou en cas de risque géopolitique potentiel à l’intérieur ou entre les pays producteurs. »

Ainsi, par exemple, la République démocratique du Congo représente environ 70 % de la production de cobalt et la moitié des réserves. Le rôle est si dominant que la transition énergétique pourrait devenir plus difficile si le pays ne peut pas étendre ses opérations minières. On trouve des niveaux très élevés pour des métaux produits par la Chine, le Chili et l’Afrique du Sud, qui sont tous les principaux producteurs de certains des métaux les plus cruciaux pour la transition énergétique. « Des ruptures de production ou des perturbations (sic) dans leurs institutions, réglementations ou politiques pourraient compliquer la situation de l’offre », et tendre les relations politiques entre certains pays.

Il est intéressant de noter qu’on trouve dans les rapports et études cités peu de, sinon aucune suggestion que la technologie pourrait venir booster la croissance. S’agissant du secteur manufacturier et celui des secteur des services l’indice de croissance de la productivité total des facteurs montré dans la figure 13 suggère que dans l’industrie manufacturière et les services, la robotique et de l’intelligence artificielle ont peu amélioré les perspectives de profit globalement même si des entreprises précises ont su en tirer parti.

Lorsqu’on se tourne vers les technologies matérialisées dans de nouveaux produits (la product technology), leur capacité à ouvrir des perspectives de profit à de très nombreuses entreprises et à servir de relance à l’accumulation dépend de l’ampleur de la demande que leur utilité sociale leur permet de créer comme du montant des investissements que leur introduction suppose, tant dans la branche industrielle où elles naissent ou dont elles exigent la création que dans les branches voisines corrélées. Les technologies apparues grosso modo au cours des vingt dernières années ont été passées au crible par l’économiste états-unien Robert Gordon dans des recherches publiées en 2012 et 2016. Gordon prend comme point de comparaison, « les trois ‘technologies à usage général’ les plus fondamentales de la seconde révolution industrielle (commencée dans les années 1890 et s’étendant jusque dans les années 1970, F.C.) qui ont fait naître des dizaines d’inventions qui ont changé la vie » ont été l’électricité, le moteur à combustion interne et le téléphone sans fil. » [11] Plus près de nous les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont entraîné dans la seconde moitié des années 1990 une reprise momentanée de la croissance de la productivité, due à une baisse jamais répétée du coût de la vitesse et la capacité de mémoire des ordinateurs ainsi qu’à une augmentation jamais répétée de la part du PIB consacrée à l’investissement en R&D et en équipements informatiques initiaux. Les avancées faites depuis la fin des années 1980 jusqu’au krach de la bulle dot.com de 2001 vont être difficiles à dépasser. Gordon examine les dernières avancées dans les domaines des petits robots, de l’intelligence artificielle, de l’impression 3D et des véhicules sans conducteur et estime que leurs effets macroéconomiques vont être très faibles. Aujourd’hui, le lancement des investissements et les mesures pour dynamiser la production dans un ensemble d’industries, nécessaires pour freiner le réchauffement climatique pourraient répondre aux critères définis plus haut.

Un autre facteur qui contribue à la hausse des prix et qui affecte le taux de profit d’un nombre croissant d’entreprises sont les retards de livraison et les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Il est acquis que celles-ci ont révélé leur grande fragilité au cours de la crise née de la pandémie [12]. Désormais on peut en mesurer l’importance grâce à un indice construit par le FMI moyennant des enquêtes auprès des responsables des achats à qui on demande si les délais de livraison sont en moyenne plus longs, plus rapides ou inchangés par rapport au mois précédent. Dans la figure les notations supérieures à 50 indiquent des délais plus rapides et celles inférieures à 50 des délais plus longs. Les retards de livraison et les goulots d’étranglement de composants pèsent sur la production des biens (des marchandises) dont ils sont les intrants. Ils renforcent, souligne le FMI, dans des configurations d’oligopole ou de monopole le pouvoir des vendeurs. Cette dimension est cruciale. Robert Reich soutient que pour ce qui est des États-Unis l’inflation des prix est le symptôme d’un problème structurel plus profond : la consolidation (centralisation/concentration) croissante de l’économie au profit d’une poignée de grandes firmes ayant suffisamment de pouvoir pour augmenter les prix et les bénéfices.

Côté retards de livraison, on trouve la situation où l’industrie manufacturière chinoise s’est redressée plus rapidement que prévu après son recul de 2019-2020, mais où les compagnies maritimes avaient déjà mis des navires porte-container en cale sèche. Une pénurie de conteneurs maritimes, essentiels aux chaînes d’approvisionnement contribue aux perturbations. Les conteneurs circulent normalement dans le monde entier, mais en raison de grosses erreurs de gestion « beaucoup sont maintenant coincés en Amérique du Nord : pour 100 conteneurs qui y arrivent, seulement 40 sont renvoyés en Asie ou en Europe. Les conteneurs excédentaires s’accumulent à Los Angeles et dans d’autres ports américains tandis que les fournisseurs chinois se battent pour eux. Il faudra des mois avant que les fabricants de conteneurs augmentent leur capacité de production et répondent à la demande ».

Le goulot d’étranglement le plus spectaculaire et le plus grave est celui de la production de puces électroniques à Taiwan. La fabrication de semi-conducteurs exige énormément d’eau, notamment pour le nettoyage des puces. Une seule usine de production peut utiliser 2 à 9 millions de gallons d’eau par jour. Intel, le plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde, a retiré 9 milliards de gallons d’eau en 2015 (rapport 2015 sur la responsabilité d’entreprise d’Intel), l’équivalent de la consommation d’eau d’environ 75 000 foyers américains. Les problèmes d’approvisionnement en eau peuvent réduire considérablement le rendement des usines ou exiger la fermeture d’une usine. Le capitalisme mondial s’est mis dans une situation de dépendance sans égale à l’égard d’un groupe taïwanais, la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus gros fabricant de semi-conducteurs mondial et partant à l’égard des conditions climatiques dans l’île. Les équipements de communication (boxes Internet, ordinateurs, portables) ont été les premiers touchés par cette pénurie. Mais l’industrie automobile est la victime la plus sérieuse avec une production fortement ralentie. Dans le cas états-unien General Motors et Ford ont été contraints de fermer temporairement plusieurs usines ou de réduire les cadences. Taïwan est normalement un des endroits les plus humides au monde, avec une moyenne de 2 600 millimètres de précipitations par an. L’île est en temps normal balayée à la saison des pluies par des typhons qui contribuent à remplir les réservoirs. Plus la sécheresse se prolongera, plus la production sera difficile, de sorte que certaines entreprises demandent la création de réservoirs étatiques pour stocker davantage d’eau et anticiper un risque récurrent en raison du réchauffement climatique.

La succession de facteurs examinés dans le commentaire des figures 9 à 14 donne un caractère concret à la discussion sur la baisse du taux de profit. Il s’agit de facteurs tout à fait précis affectant la profitabilité. J’emprunte la figure 14 à Michael Roberts, qui met à jour très régulièrement l’évolution du taux de profit des États-Unis.

Rappelons que la composition organique est un ratio entre le capital investi par les entreprises sous forme physique, qui ne crée pas de valeur mais la sienne est transmise, d’où le nom de capital constant, et le capital variable, à savoir la force de travail achetée par les entreprises qui est créatrice de valeur dont le montant dépend de sa productivité. Quand ce ratio augmente, le taux de profit diminue. Deux remarques s’imposent. La première est la nécessité de ne pas en faire un processus ahistorique. Roberts écrit que « C’est une loi dans l’expansion économique capitaliste que ce ratio appelé composition organique du capital augmente » [13]. Mais a-t-elle encore valeur de loi lorsque le capitalisme est en régression ? Poser cette question, c’est ouvrir une discussion allant bien au-delà des buts de cette note. En revanche, ce qui peut être fait, c’est établir la liste des facteurs à prendre en considération et les examiner concrètement. Il en est ainsi aujourd’hui pour la composante intrants à la production du capital constant. Doivent être rangés dans le capital constant 1) le prix des machines telles qu’elles se présentent à une époque donnée, donc aujourd’hui les ordinateurs aussi bien que les machines-outils, 2) le prix des locaux, donc aujourd’hui les usines mais aussi les bureaux, 3) le prix de l’énergie et des matières premières à la fois de façon agrégée et pour des intrants critiques (les puces). Or, ceux-ci ont été très largement négligés par les chercheurs. Aujourd’hui, pour les raisons qu’on vient de voir, il contribue à l’élévation du ratio et continueront à le faire.

La seconde remarque concerne la notion de facteur contrecarrant l’effet de la hausse de la composition organique (capital constant/capital variable : c/v) que dans beaucoup de textes Roberts simplifie fortement. Ce facteur est un composite du montant du capital investi dans l’achat de force de travail et la quantité de plus-value ou surtravail obtenu en la mettant au travail dans les ateliers et les bureaux. Le montant investi est fonction à la fois des perspectives de profitabilité (de l’intérêt que les entreprises ont à investir) et du prix auquel cet achat a lieu du fait du niveau général de la productivité globale, premier déterminant du prix de ce qui est nécessaire à la reproduction de la force de travail à un moment historique donné. Entrent donc en jeu les technologies de production (aujourd’hui l’IA et la robotique), l’efficacité des modes de management, le poids de l’armée industrielle de réserve (la masse des chômeurs) ; la capacité de combat des travailleurs et des travailleuses (à surmonter l’obstacle des directions syndicales, à trouver de nouvelles formes, par exemple les Gilets jaunes). Insistons que le montant de la force de travail effectivement achetée, un des facteurs affectant c/v dépend du degré d’incitation pour les entreprises d’investir, donc du profit escompté. Or celui-ci est en baisse comme le montre la figure 14, un indicateur complémentaire étant le mouvement de l’investissement dirigée vers la baisse et des cycles dont la durée s’est raccourcie.

Selon l’étude, « au cours des deux dernières décennies l’investissement net en pourcentage du PIB a été faible et en baisse, en particulier dans les économies avancées, ne contribuant qu’à hauteur de 28 % à l’expansion de la valeur nette. Les hausses des prix des actifs ont constitué 77 % de la croissance de la valeur nette, et plus de la moitié de ces hausses ont été supérieurs à l’inflation générale ».

En fin de période le mouvement états-unien s’inscrit selon les chiffres du FMI dans un mouvement mondial affectant un ensemble de pays.

Selon les calculs de la dernière étude de McKinsey « au cours des deux dernières décennies l’investissement net en pourcentage du PIB a été faible et en baisse, en particulier dans les économies avancées, ne contribuant qu’à hauteur de 28 % à l’expansion de la valeur nette. Les hausses des prix des actifs ont constitué 77 % de la croissance de la valeur nette, et plus de la moitié de ces hausses ont été supérieurs à l’inflation générale ».

Pour finir, il faut parler de la Chine et de la faillite annoncée depuis des semaines du promoteur immobilier géant Evergrande. Le groupe est du nombre de ceux désignés de terme too big to fail. Son sauvetage financier et celle de ses créanciers ainsi que sa restructuration/démantèlement partiel sont en route. Au troisième trimestre, la croissance du PIB chinois est tombé à 4,9 % en glissement annuel, contre 7,9 % au deuxième trimestre. La situation des marchés extérieurs de la Chine et l’ensemble des facteurs liés aux chaînes d’approvisionnement y sont pour beaucoup, mais le ralentissement du secteur immobilier peut-être pour plus encore. On estime que le secteur immobilier représente 25 à 30 % du PIB de la Chine. La situation d’Evergrande est la partie visible de l’iceberg d’un retournement général du marché immobilier illustré par la figure 18.

Depuis début décembre 2021, le sauvetage financier d’Evergrande et celle de ses créanciers ainsi que la restructuration/démantèlement partiel du groupe sont en route. Le 3 décembre 2021, la Banque populaire de Chine (BPC), banque centrale chinoise, a baissé le niveau des réserves obligatoires pour les banques. Une décision qui vise à protéger l’économie des effets de la crise immobilière. Le 6 décembre, les représentants du gouvernement de Canton ont pris la majorité des postes au conseil d’administration du groupe et commencé sa restructuration.

Ainsi que l’écrit Romaric Godin, « bien plus qu’une contagion financière mondiale, ce qui menace l’économie mondiale, c’est le ralentissement d’un des poumons de la croissance, la Chine. La baisse de régime de la croissance et l’effet de cette faillite sur la demande intérieure risquent de peser lourd, alors que, depuis 30 ans, la croissance chinoise tire le reste du monde. Entre 2013 et 2018, la Chine a apporté directement 28 % de la croissance mondiale. Ce chiffre est sans doute plus fort encore lorsqu’on ajoute l’effet des investissements chinois à l’étranger. » Et de poursuivre, « Evergrande apparaît comme un symptôme d’une économie chinoise qui, déjà, n’est plus capable, sauf à se lancer dans des bulles, de dégager une croissance forte. Elle est confrontée, après 30 années de croissance, aux mêmes problèmes que les économies occidentales : une incapacité de dégager des gains de productivité suffisants pour un développement capitaliste équilibré. Même si Pékin a les moyens de modérer les effets de cette crise sous-jacente, le pouvoir chinois n’a guère plus de solutions à ce problème structurel du capitalisme contemporain que ses pairs occidentaux ou japonais. Cette convergence signe sans doute la fin d’une époque. Désormais, les relais de croissance vont être faibles ou très risqués. Un nouveau régime de croissance faible s’annonce où la pression sur le travail et la nature va nécessairement s’accentuer. L’instabilité menace sans doute la Chine, mais pas seulement la Chine. »

En guise de conclusion

Un « régime de croissance faible », accompagné de surcroît d’un mouvement tendanciel de hausse des prix de l’énergie et des grandes matières premières, est propice à l’exaspération du réflexe du « chacun pour soi » de même qu’au déchaînement de la concurrence internationale. Une étude spécifique de l’OCDE sur les échanges internationaux [14] en montre le danger : « l’année 2020 a marqué l’une des plus fortes réductions des volumes d’échanges et de production depuis la Seconde Guerre mondiale. (…) Les échanges de services a diminué de plus de deux fois plus que ceux des biens et leur reprise a également été plus lente. Bien que l’ampleur de la baisse du commerce mondial par rapport à la baisse de la production en 2020 ait été plus faible qu’en 2009-2010, elle n’était pas liée à l’ampleur globale des répercussions commerciales en 2020, mais reflète plutôt l’hétérogénéité élevée des répercussions de la COVID-19 sur les échanges et la production de biens, de services et sur la situation de partenaires commerciaux spécifiques. Les échanges de plusieurs types de biens se sont effondrés, tandis que ceux de plusieurs autres ont nettement augmenté. Par conséquent, la variation des répercussions commerciales entre les différentes catégories de produits en 2020 était non seulement plus importante que pendant la crise financière mondiale, mais aussi plus importante que toute autre année au cours des deux dernières décennies. La structure du commerce des biens des pays a également considérablement changé en 2020. (…) Alors que certaines chaînes d’approvisionnement internationales ont subi des pressions au cours des premiers mois de la pandémie, les données montrent également que d’autres chaînes d’approvisionnement ont joué un rôle déterminant dans la reprise de l’activité économique. (…) L’hétérogénéité sans précédent des changements dans les flux commerciaux entre les produits, les sources et les destinations suggère une incertitude et des coûts d’ajustement élevés, et implique un besoin accru pour les entreprises et les gouvernements d’adopter de nouvelles stratégies d’atténuation des risques. » Façon diplomatique d’annoncer et même de légitimer le « chacun pour soi ».

Ce réflexe « non coopératif » a plané sur la Cop26 de Glasgow, d’où les pays qui avaient particulièrement besoin d’une aide financière urgente sont partis à leur grand désespoir, les mains vides tandis que aucune mesure contraignante n’était adoptée par la conférence. Au plan domestique pour les travailleurs et travailleuses actifs, chômeurs et retraités, la seule riposte afin que le « chacun pour soi » ne vienne accentuer d’avantage les réflexes racistes et xénophobes et que soient sauvegardées les conditions de vie élémentaires de centaines de milliers d’entre eux, est de mettre en avant la lutte politique contre la vie chère face aux gouvernements et aux entreprises à qui il importe peu que ces conditions soient respectées.

Note sur la situation économique mondiale

Text propietat: https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-30-hiver-2021/dossier-le-travail-en-temps-de-crises/article/note-sur-la-situation-economique-mondiale