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Notion de quote-part de frais et charges (QPFC) : quelques conséquences envisageables de la décision L’Air Liquide

Notion de quote-part de frais et charges (QPFC) : quelques conséquences envisageables de la décision L’Air Liquide

Le Conseil d’État a récemment considéré, par sa décision L’Air Liquide du 15 novembre 2021[1], que la QPFC réintégrée au bénéfice imposable pour l’application du régime des plus-values sur titres de participation doit être regardée non comme ayant pour objet de neutraliser de manière forfaitaire la déduction de frais mais comme visant à soumettre à l’impôt, à un taux réduit, les plus-values de cession de titres de participation. Cette nouvelle jurisprudence est susceptible d’emporter des effets au-delà de la combinaison du régime d’exonération des plus-values de cession de titres de participation avec le régime d’imputation des crédits d’impôts étrangers qui était au cœur de ce litige.

Par cette décision, le Conseil d’État, après avoir considéré que la QPFC de 12 % vise à soumettre à l’impôt les plus-values de cession de titres de participation, a jugé illégaux les commentaires administratifs selon lesquels, à défaut d’une imposition effective en France, aucune imputation de l’impôt étranger éventuellement acquitté au titre de la plus-value réalisée ne peut être effectuée par la voie d’un crédit d’impôt dès lors qu’aucune double imposition ne peut être constatée[2].

Ce faisant, le Conseil d’État a dépassé la qualification de QPFC donnée par la loi pour juger que l’imposition de celle-ci correspond à un montant d’impôt français, permettant l’imputation d’un crédit d’impôt lorsqu’il est prévu par les conventions fiscales. Il en résulte que les contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés qui réalisent un gain en capital à l’occasion de la cession de participations détenues à l’étranger et qui sont soumis à un prélèvement fiscal sur le gain en question dans l’Etat de résidence de la société cédée, conformément aux stipulations de la convention fiscale qui lie cet Etat à la France[3], peuvent désormais imputer le crédit d’impôt correspondant à hauteur de l’impôt dû au titre de la QPFC de 12 %.

Cette décision ouvre donc des perspectives favorables pour les contribuables qui sont dans cette situation, mais quels en sont les éventuels prolongements tant en ce qui concerne la détermination du montant de la plus-value correspondante que le régime de la QPFC sur les dividendes ?

La prise en compte de l’impôt payé à l’étranger dans la détermination du montant de la plus-value
La plus-value de cession des titres de participation est égale à la différence entre le prix de cession et le prix de revient des titres. La doctrine attaquée précisait que l’impôt acquitté à l’étranger devait être regardé comme un frais inhérent à la cession pris en compte pour le calcul de la plus-value nette et, par suite, de l’assiette de la QPFC[4]. Compte tenu de la portée de la décision du Conseil d’Etat, cette doctrine doit être regardée comme devant être abrogée, y compris en ce qui concerne ces dernières précisions.

Mais quelles doivent être alors les conséquences de la décision sur les modalités de prise en compte de l’impôt acquitté à l’étranger pour la détermination du montant de la plus-value constituant la base de la QPFC ?

Par sa décision Vinci du 12 octobre 2018[5], le Conseil d’État a considéré que les frais inhérents à la cession viennent seulement en déduction du prix de cession retenu pour le calcul de la plus-value et ne peuvent constituer des frais généraux déductibles du résultat imposable au taux normal. Il en résulte en revanche que ces frais réduisent la base de calcul de la QPFC.

Dans ce contexte deux interprétations sont envisageables concernant la prise en compte de l’impôt prélevé à l’étranger pour la détermination des plus-values de cession des titres d’une société dont l’Etat de résidence a signé avec la France une convention lui reconnaissant le droit d’imposer ces plus-values.

Selon la première interprétation, les stipulations relatives à l’élimination des doubles impositions des conventions fiscales n’affecteraient pas la règle énoncée par la décision Vinci. En effet, dès lors que les règles distributives des conventions définissent les revenus qu’elles visent comme les gains en capital, tels que déterminés par le droit interne, le montant de ces derniers, qui correspond nécessairement à une plus-value nette des frais inhérents à la cession, n’a pas lieu d’être affecté par les clauses d’élimination de la double imposition prévues par les conventions.

Selon la seconde interprétation, dès lors que l’impôt supporté à l’étranger par la société française ouvre droit à un crédit d’impôt, il faudrait en déduire que la QPFC doit se calculer sur un montant de plus-value déterminé avant déduction de l’impôt étranger. Dans ce cas, les stipulations conventionnelles s’opposeraient à ce que la société diminue le montant de la plus-value qu’elle a réalisée, de même que la base de la QPFC, du montant de l’impôt supporté à l’étranger.

La question de la transposition à la QPFC de 5 % du régime mère-fille
Par sa décision SA Fournier Industrie et Santé de 1997[6], le Conseil d’État avait jugé que la QPFC sur les dividendes prévue par l’article 216 du CGI pour l’application du régime mère-fille ne pouvait être regardée comme conduisant à soumettre à l’impôt une fraction de revenus distribués permettant l’imputation d’un crédit d’impôt.

Dans sa décision L’Air Liquide, le Conseil d’État s’est écarté de cette jurisprudence alors que l’administration s’en était inspirée dans la doctrine attaquée. Dans ses conclusions sur cette décision, la rapporteure publique Karin Ciavaldini a justifié le fait de s’écarter de ce précédent en relevant que le texte du II de l’article 216 du CGI alors applicable établissait un lien « entre la quote-part et les frais et charges exposés » compte tenu de la possibilité alors prévue par ce texte de plafonner le montant de la QPFC au montant réel des frais et charges exposés par la société bénéficiaire des dividendes en cause, lien qui n’existe pas pour la QPFC sur les plus-values de cession.

S’il semble très délicat de déduire directement de la motivation de la décision du Conseil d’État que la jurisprudence SA Fournier Industrie et Santé serait remise en cause, ou d’ailleurs qu’elle serait confortée par l’écart entre le raisonnement envisagé par la rapporteure publique et les motifs de la décision, la question du maintien de la pérennité de la jurisprudence en matière de dividendes pourrait néanmoins se poser, au vu du raisonnement suivi par la rapporteure publique, compte tenu de la suppression du plafonnement de la QPFC au montant des frais réels par la loi de finances pour 2011[7].

Karin Ciavaldini rappelait notamment que le Conseil d’Etat avait jugé, dans ses décisions Vicat et Vétoquinol de 2018 relatives au régime des sociétés mères dans sa rédaction postérieure à la loi de finances pour 2011, qu’en soumettant cette QPFC à l’impôt, le législateur s’était borné à préciser la portée de l’exonération qu’il instituait sans imposer un revenu fictif[8]. S’il était possible de déduire de ce raisonnement que la QPFC sur les dividendes viserait en réalité à soumettre partiellement à l’impôt les dividendes reçus par une société française, de même que pour la QPFC sur les plus-values de cession, alors une transposition à cette hypothèse de la jurisprudence L’Air Liquide semblerait envisageable.

Le présent commentaire s’est limité aux conséquences de la décision L’Air Liquide sur les problématiques liées au prélèvement d’un impôt à l’étranger mais, en remettant en cause l’idée suivant laquelle un régime fiscal prévoyant la réintégration au bénéfice imposable d’une QPFC ne doit pas nécessairement être interprété comme instituant une exonération des revenus au titre desquels cette QPFC est réintégrée, le Conseil d’Etat ouvre des perspectives qui vont sans doute au-delà de la question de l’imputation des crédits d’impôts conventionnels sur l’impôt français afférent à ces revenus. Ces prolongements mériteront très certainement d’être soigneusement analysés.

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